Déclaration FSU au CAEN de Bordeaux du 12 octobre 2022
Mesdames et Messieurs.
Les premiers élèves qui ont subi le passage du bac pro de 4 ans à 3 ans ont aujourd’hui 28 ans, depuis d’autres réformes dont celles de 2018 sont venues réduire les temps d’éducation disciplinairement dans les lycées professionnels en imposant, à la place, divers dispositifs pédagogiques. Avons-nous fait le bilan de ces choix ? Les capacités d’intégration de ces jeunes sont-elles meilleures que celles de leurs ainés 10 à 12 ans plus tard ? A-t-on amélioré leur capacité à se former tout au long de la vie ? Leurs diplômes sont-ils mieux ou au moins tout autant reconnus ? Les poursuites d’études qu’on leurs a promis débouchent-elles sur des BTS qui ont gardé la même valeur aux yeux des professionnels ? Ces bacs permettent-ils de former des citoyen.nes plus éclairé.es, plus conscient.es de leurs responsabilités et plus émancipé.es vis-à-vis de leur condition sociale, familiale ou territoriale ? Cet ancien parcours des lycées pro avait certes des défauts, mais les promesses d’amélioration sur les compétences et les savoirs-faire des jeunes sont-elles tenues ? A ces questions notre vécu de terrain répond dans la plus grande partie par la négative. Pourtant la réforme proposée par le président Macron, entend réduire encore le temps d’éducation des lycéens et lycéennes de lycée pro. C’est un projet idéologique que vous prévoyez d’imposer à ces jeunes pourtant issus, pour une majorité, des classes sociales les plus populaires. Tellement idéologique, qu’il est porté par une ministre déléguée sous tutelle du ministère du travail, car il s’agit bien ici de mettre au travail ces jeunes. Il n’y a là aucune préoccupation pour eux mais deux objectifs : fournir rapidement la main d’œuvre qu’une partie des entreprises exigent et la rendre captive sur les territoires et sur des secteurs avec des compétences professionnelles réduites limitée à l’activité professionnelle d’aujourd’hui et pour beaucoup déjà datée. Le second objectif est clairement de réduire les coûts d’éducation d’1/3 de la jeunesse en laissant à penser que celle-ci aura la même formation dans les entreprises avec 11 semaines de stage supplémentaire (je parle bien de stage, car tant que la preuve d’une formation et d’une volonté de l’entreprise n’est pas démontrée on ne peut pas parler de PFMP ). C’est très vite oublier et passer sous silence ce que nos anciens savaient lorsqu’ils ont décidé de limiter la formation en entreprise pour protéger la jeunesse, la fatigue physique et mentale de ces métiers parfois répétitif, la limitation des tâches effectuées, l’incapacité à s’extraire et à prendre de la hauteur dans ces conditions, la jeunesse même de ces élèves dont le développement n’est pas terminé. C’est imposer un format d’éducation scolaire équivalent à l’apprentissage à tous les lycéens et lycéennes des lycées pro, alors que ce développement déstabilise déjà grandement nos établissements.
Il y a un mot pour cela : c’est dégueulasse. C’est d’autant plus dégueulasse que cette réforme sera imposée à des enfants qui ne sont que très rarement ceux de ceux et celles qui prennent et qui défendront cette décision.
Il faut aujourd’hui faire preuve d’imposture intellectuelle pour justifier un tel projet en laissant à penser que pour cette population, ce type d’élèves, la formation professionnelle dans les entreprises, avec une petite compensation financière, serait préférable ; Que parce qu’elle serait locale, sur des secteurs économiques pourvoyeurs d’emplois elle correspondrait mieux à l’avenir que vous décidez de tracer pour eux ; Ou encore de faire croire que c’est la seule solution pour répondre aux difficultés de ces jeunes vis-à-vis de l’institution scolaire, alors que par exemple les effectifs en classe ne cesse d’augmenter. C’est enfin faire de ces jeunes uniquement des agents économiques et de l’école le temps de préparation à le devenir. Pour la FSU ce n’est pas le projet émancipateur de l’école. Nous rappelons que ces futurs adultes auront d’autres choses à vivre que leur travail, d’autre défis à relever dont la transition écologique et peut être quelques choix démocratiques à faire, et que les lycées professionnels avec des moyens suffisants et des temps longs de formation et d’éducation sont les outils sur les territoires qui doivent permettre à chaque jeune qui choisit cette voie, de recevoir une éducation pré-bac riche et exigeante qui lui permettra de faire son propre choix lorsqu’il sera adulte, qui lui permettra d’accéder suivant ses possibilités et sa volonté à des formations post bac ou de commencer sa vie professionnelle avec suffisamment de bagage pour se former tout au long de sa vie et rester maître de son destin.