Conseil Académique de la Formation des Personnels de l’Education Nationale (CAFPEN) du 1er juin
Présent-es : Rectrice (Mme Robert), Secrétaire Général du Rectorat (M. Vial), DRH du Rectorat (Mme Depardieu), DAFPEN (M. Linier), Doyenne des IA, Doyen des IEN ET EG IO, Doyenne des IEN, DASEN 86, SG86, DASEN 17, DASEN 16, Directeur de l’Inspe, Représentant de l’IH2EF, M. Piot (chercheur), 5 FSU, 3 unsa, 1 snalc.
Note d’ambiance : Le CAFPEN tenait sa deuxième instance annuelle en présence de la Rectrice de l’académie de Poitiers. L’administration y présente son projet pour la formation des personnels de l’éducation nationale. Au-delà des annonces, dont certaines sont positives, nous sommes attentifs à l’application concrète des mesures affichées, au bénéfice de tous les personnels.
Déclaration liminaire
Madame la Rectrice,
Mesdames et Messieurs les membres du CAFPEN,
Nous sommes réunis aujourd’hui pour parler « formation » , enjeu de taille si on juge aux défis que notre système scolaire et notre académie en particulier ont à surmonter, au service des élèves qui nous sont confiés.
Mais permettez nous, en guise d’introduction, d’évoquer avant tout l’épuisement des équipes après une année très éprouvante encore, entre Covid et pilotage erratique du Ministre, entre réformes menées avec une obstination irresponsable, un aveuglement coupable devant les blessures infligées aux élèves et aux équipes. Symptomatique est la gestion des examens à la veille de leur passation par des millions d’élèves : alors que nous venons de traverser deux années qui ont considérablement percuté les apprentissages, aucune mesure n’a été prise pour le collège et le DNB ; la charge des enseignants de lettres, de philosophie sera considérable ; ce que prévoit le Ministre pour l’épreuve de philosophie relève du plus grand mépris à l’encontre des correcteurs, soumis par ailleurs à la numérisation des copies. Pour les BTS comme pour l’enseignement professionnel, les aménagements prévus ne conviennent pas. Quant au grand oral, nous continuons de demander sa neutralisation. Le Ministre porte ici une lourde responsabilité, à force de déni des réalités de terrain.
Or, au lieu de prévoir un budget à la hauteur des besoins, il a orchestré un retrait conséquent d’emplois pour la rentrée 2021. Aux emplois statutaires on voit d’ailleurs se substituer de plus en plus la contractualisation, sans doute plus flexible, sans doute aussi plus docile, devant les injonctions d’un management aujourd’hui brutal. A cet égard, sachez Madame la Rectrice que les trésors de communication déployés à l’occasion du Grenelle de l’éducation ne convaincront pas les personnels qui n’y voient aucune mesure sincère en faveur de l’attractivité des métiers, aucune amélioration de leur pouvoir d’achat mais qui perçoivent très bien la volonté de poursuivre la déstructuration du système éducatif déjà à l’oeuvre. Qu’on la qualifie de « proximité », la politique des ressources humaines prêterait à rire si la chose n’était pas si sérieuse. Pensez vous qu’ils la jugent « proche » cette politique les collègues nombreuses et nombreux à se voir refuser un temps partiel ? Une disponibilité ? Un détachement ? Une rupture conventionnelle ? Les collègues affecté-es de pathologies qui font appel mais, sans succès, à la médecine de prévention ?
Un exemple nous semble ici encore fort significatif Madame la Rectrice. Depuis quelques mois, vous avez accédé à notre demande de voir se réunir des GT autour de la réforme de la formation initiale ; nous vous en remercions d’ailleurs. La FSU et la CGT Educ’action rappellent leur opposition à cette réforme de la formation des enseignant-es, aux modalités de mise en œuvre des contrats d’alternance, aux formats nouveaux des épreuves de concours, l’entretien de motivation en particulier. Au fil de ces GT, nous est apparue la dure réalité de ces contrats « offerts » à des étudiants , mal rémunérés, inexpérimentés, considérés comme des moyens d’enseignement. Au fil de ces GT et encore dernièrement, nous avons été frappés par l’état d’impréparation qui règne autour de cette question urgente pourtant. Quels tuteurs et sur quel temps pour accompagner tout le panel des stagiaires à la rentrée 2021, soit dans quelques semaines, compte-tenu des rigueurs de notre calendrier ? Quels supports, qui ne viennent pas alourdir la charge de travail des directrices et directeurs, ou encore les temps partiels par exemple, pour les alternants du Premier Degré ? Un autre choix aurait pu-aurait du- être fait, si le mot « dialogue social » avait encore un sens. Or ici, beaucoup trop de questions restent en suspens comme celle du temps de service et de la formation des tuteurs, de la formation des T1, T2… de la formation continuée.
Au sujet de la formation continue, elle est absolument indispensable à la conduite de métiers voués à une évolution constante, fondés sur la réflexivité. La formation continue exigerait donc que du temps soit accordé aux personnels sur leur temps de travail : ce temps ne leur est pas accordé du fait du rythme effréné des réformes, des difficultés de remplacement. Soulignons que les formations en webinaires,en augmentation, ne sauraient remplacer le présentiel et les échanges entre pairs, mais peuvent encore accentuer la charge de travail. Nous nous inquiétons de l’avenir de la formation continue au regard du projet d’e-INSPE expérimenté dans la Vienne qui vise à substituer des formateurs par nos collègues de CANOPE que l’administration cherche à réorienter. Soulignons encore que ces formations devraient éclairer les personnels très en amont de leurs activités. Or à cet égard, le retard dans la mise en œuvre des formations au grand oral est inacceptable. Ce jour se tiennent encore des séquences de formation, soit 20 jours avant le début des épreuves. De manière générale, ces formations ne doivent d’ailleurs pas se limiter à des commandes institutionnelles ; elles doivent favoriser la pluralité des approches et faire grand place à la recherche.
Madame la Rectrice, il y a donc urgence à revoir intégralement la “philosophie” de la formation des personnels de l’éducation nationale que vous et le Ministère imposez à l’ensemble des personnels. Il est nécessaire pour cela de :
- redonner des moyens humains et financier pour permettre des formations longues et ambitieuses sur le temps de travail
- accepter qu’il n’y a pas une “bonne” formation, mais des formations, plurielles acceptant la diversité et la richesse des contradictions, s’appuyant sur l’ensemble des acteurs : Education nationale, chercheurs de toutes les disciplines, etc…
- abandonner toutes les réformes qui ne sont pas soutenues par les personnels qui auront à les subir.
- construire avec les représentants des personnels un dialogue respectueux et sincère pour discuter cette politique de formation en acceptant de tenir compte des remarques, propositions et oppositions… et en commençant par envoyer des documents de travail avant les instances.
Nous vous remercions de votre attention.
Réponse de la Rectrice :
Suite à notre déclaration liminaire, la Rectrice rappelle que ce groupe de travail a été installé pour travailler sur les transformations importantes liées à la réforme de la formation initiale, dans l’intérêt premier des étudiants, afin que leur entrée dans le métier soit facilitée. Pour la FSU-CGT Educ’Action,cette réforme n’est pas favorable à l’intérêt des étudiants et ne facilitera en rien leur entrée dans le métier. Au contraire, elle introduit la précarité et les inégalités comme bases de la formation.
“La formation des personnels au cœur de la Feuille de Route RH de l’académie”, attention novlangue !
La DRH a exposé la feuille de route RH et son impact sur la formation. Celle-ci a pour objectif de “ faire évoluer la qualité de la politique RH pour favoriser la réussite des personnels au bénéfice de la réussite des élèves”.
Dans les faits, cela se traduit dans l’offre de formation par plusieurs évolutions envisagées :
- partir des besoins des collègues avant de concevoir l’offre de formation
- proposer une offre de formation qui s’adresse à tous les publics (tous les métiers de l’EN doivent trouver réponse dans l’offre)Revisiter les modalités de formation : Le présentiel doit apporter une plus value à la formation pour être envisagé. Par exemple, une formation d’initiation à la bureautique pourra être réalisée en présentiel pour rester accessible aux collègues en difficulté avec l’outil numérique.
- diversifier les thématiques de formation et le niveau dispensé pour un même sujet.
La DRH indique que la feuille de route vise aussi une offre de formations qui favorisera une culture commune à tou-tes les personnels (ex formation à la conduite d’entretien pour les managers et ceux qui bénéficient de l’entretien de carrière), et s’inscrira dans le territoire selon les besoins (Formation d’Initiative Locale (FIL) en lien avec les réseaux ECLORE).
La FSU-CGT Educ’Action note avec satisfaction que certains éléments portés depuis plusieurs années par notre fédération sont pris en compte : partir des besoins, favoriser le présentiel qui permet des échanges construits et nourris… De même, le souhait de s’appuyer sur les formations d’initiatives locales pourrait être une avancée. Cependant, cela s’annonce excluant notamment pour les personnels du 1er degré qui ne sont ni associé-es, ni consulté-es pour l’élaboration des FIL et qui ne pourront pas être déchargé-es de classe pour y participer. La FSU-CGT Educ’Action rappelle la réalité de ce que vivent les collègues, notamment du 1er degré, et le manque criant en remplacement. Pour que ces annonces se réalisent, il faudrait avant tout donner des moyens au service public d’éducation. Augmenter le nombre de remplaçant-es permettra de donner aux équipes du temps de concertation, de réflexion, d’échange et de formation indispensable.
La Rectrice nous a répondu que le problème était connu et que les opérations de rentrée en tenaient compte. Au regard des opérations de carte scolaire opérées cette année, la FSU-CGT Educ’Action reste sceptique !…
La recherche dans la formation.
Présentation de la fabrique des Ateliers Académiques – FAA
La fabrique des ateliers académiques est une série de formations sur des temps courts et choisis par les enseignants du premier degré. Ce dispositif est annoncé comme étant “un levier pour :
- le développement professionnel des acteurs
- l’amélioration des pratiques
- évaluer l’impact sur les apprentissages et la motivation des élèves et des enseignant-es
- l’inclusion
- développer les liens avec la recherche (transfert, essaimage, dissémination)”
Avec pour finalité la constitution de “territoires apprenants”, collectifs de travail à plusieurs échelles”
4 thématiques déclinées :
- métacognition, attention et mémoire
- motivation, orientation, inclusion
- lire, dire, écrire
- temps et environnements d’apprentissage
Ce projet devrait être décliné sur le territoire en lien avec les supérieurs hiérarchiques pour cibler quand organiser ces formations. Le Rectorat envisage des temps filés les mercredis matin.
Pour la FSU-CGT Educ’Action, il faut faire attention à ne pas surcharger les collègues en empiétant sur leur temps personnel. La formation doit être sur le temps de travail devant élèves, avec remplacement. Le mercredi matin n’étant pas travaillé dans la majorité des villes de l’académie, le choix de ce créneau pose problème. D’autre part, la FSU-CGT Educ’Action souhaite une réelle pluralité dans les domaines de recherche.
“Référentiel du tuteur enseignant” : présentation rapide
Face à la nécessité de professionnaliser les tuteurs qui exercent dans l’éducation nationale (suivis d’étudiant-es, d’alternant-es…), le Rectorat a fait appel à Thierry Piot (université Caen Normandie), afin de modéliser un référentiel du tuteur enseignant, “outil de rationalisation et de mise en cohérence des interventions tutorales non normatif”. Il aura pour ambition de :
- créer un espace de dialogue entre acteurs pour analyser les pratiques, co-construire des outils de pilotage
- fidéliser le vivier de tuteur-trices en rendant attractive la fonction
- construire une dynamique autour de la fonction de tuteur-trice pour améliorer la qualité globale de la formation des enseignant-es
Afin de concevoir ce référentiel, M. Piot a rencontré des tuteur-trices 1er et 2nd degré (sélectionné-es par l’administration) ainsi que des tuteur-trices référent-es exerçant à l’INSPE. Suite à ce travail de recueil, il proposera un premier référentiel qui sera testé par des tuteur-trices sélectionné-es avant d’être généralisé à N+1. Une journée de formation sera proposée en milieu d’année autour de l’utilisation de ce référentiel. Une façon de valoriser l’engagement des tuteur-trices envisagé pourrait être la création d’un badge.
Pour la Rectrice, cette démarche pragmatique et scientifique s’inscrit pleinement dans la philosophie de la formation qu’elle porte au sein de l’académie.
La FSU-CGT Educ’Action a rappelé l’importance de la formation des tuteur-trices, d’autant plus dans le cadre de la réforme de la formation initiale qui verra leur charge de travail et leurs responsabilités dans la formation augmenter significativement. Pour la FSU-CGT Educ’Action, les tuteur-trices doivent impérativement bénéficier de plusieurs journées de formation sur temps de travail pour permettre une plus grande professionnalisation de ces fonctions.
Par ailleurs, la FSU-CGT Educ’Action a rappelé que la profession n’était pas en attente de badge mais de reconnaissance, d’une rémunération acceptable et surtout de temps pour assurer un tutorat de qualité, échanger avec les autres tuteur-trices et se former hors de leur temps personnel. La FSU-CGT Educ’Action revendique pour les tuteur-trices l’octroi d’une décharge de service hebdomadaire pour la réalisation de toutes les missions qui leur incombent, notamment pour le suivi des alternant-es.
Vers une offre de formation académique pour le 1D
La doyenne des IEN en charge du dossier a présenté le projet de création d’une offre de formation académique 1er degré qui viendrait en plus du plan académique de formation et qui aurait pour ambition de :
- développer une culture commune de la formation entre les différents niveaux d’intervention (Académie, Départements et circonscriptions)
- diversifier, consolider et qualifier le vivier de formateur-trices (pour endiguer l’érosion des conseillers pédagogiques)
- mutualiser les ressources
- développer une offre collective à l’initiative du 1er degré.
L’objectif final étant de développer des formations d’initiative locales (FIL) spécifiques au 1er degré.
La FSU-CGT Educ’Action prend à nouveau acte de la volonté de l’académie de faire évoluer la formation académique (aujourd’hui, 47% des formations suivies dans le 1er degré sont des animations pédagogiques, le plus souvent à public désigné). Cependant, le manque de moyens, notamment en remplacement, rend une nouvelle fois peu crédibles les perspectives évoquées dans cette présentation. Combien de stages statutaires de néo-directeur-trices sont annulés par faute de remplacement ? Sans projet ambitieux en termes de moyens de remplacement avec la création de brigade de formation continue, l’offre sera très difficile à mettre en œuvre.
Pour les DASEN du 17 et du 86, le problème n’est pas lié au nombre de remplaçant-es dans les départements, mais à l’efficience du travail réalisé par ces personnels enseignant-es… Ils évoquent aussi d’autres modalités pour la formation continue (distanciel ? formation hors temps de service ?).
Pour la FSU-CGT Educ’Action, les manquements de l’administration ne doivent pas être reportés sur une mise en cause des compétences professionnelles de collègues remplaçant-es. Par ailleurs, les autres modalités évoquées prennent sur le temps personnel des collègues. De ce point de vue, l’expérimentation “e-INSPE” prévue dans la Vienne à la rentrée prochaine pose problème : il s’agit de proposer des contenus de formation à distance, à faire sur le temps libre et conçus par les collègues de CANOPE qui, ayant perdu leurs missions d’édition se retrouvent à présent à produire du contenu de formation sans que cela ne soit leur coeur de métier… La formation continue doit se tenir sur le temps de travail devant élèves et non après de longues journées de classes ou pendant les vacances !
En conclusion
Faute de temps, le dernier point à l’ordre du jour concernant la formation des cadres de l’EN (personnels de direction, d’inspection et administratif) est reporté au prochain CAFPEN à l’automne.
La FSU-CGT Educ’Action regrette que le rectorat aborde la formation uniquement sous l’angle de la “philosophie”, sans engager un véritable travail de fond pour améliorer concrètement les conditions de formation des personnel-les de l’Education Nationale : les moyens de remplacement, l’octroi de temps de concertation et de réflexion pour construire des projets de formation cohérents au sein des écoles et établissements, l’ouverture plus grande à la recherche.
Vos représentant-es FSU-CGT Educ’Action :
M. Coret, C. Fontaine, P. Lacoux, C. Machefaux, G. Tabourdeau